Les artistes servent-ils·elles
encore à quelque chose ?
La retranscription intégrale des échanges au format word.
Et pour voir l’intégralité de la captation, c’est ici
Résumé de la conférence : "Les artistes servent-il·elles encore à quelque chose ?"
Table ronde du 7 novembre 2025, Chambéry
Contexte et enjeux
La conférence, organisée par le Co.Co.S (Collectif des Compagnies de Savoie), interroge le rôle et la légitimité des artistes dans une société en crise, marquée par des tensions économiques, politiques et sociales. L’objectif est de dépasser les débats habituels sur la culture pour aborder des questions concrètes : comment les artistes peuvent-ils réagir, s’adapter et continuer à exister dans un environnement où leur utilité est remise en question ?
Interventions clés
1. Farid Daoud (Président du Co.Co.S)
Introduction : Souligne l’urgence de repenser le rôle des artistes, souvent perçus comme marginaux ou inutiles, alors qu’ils participent à façonner la vision du monde de demain.
Problématique : Les artistes sont confrontés à une précarité croissante, à une bureaucratie accrue (75% du temps passé à remplir des appels à projets) et à une perte de sens de leur métier.
Appel : Nécessité de sortir de l’isolement, de créer des alliances avec la société civile, les élus locaux et les citoyens pour redéfinir ensemble la place de la culture.
2. Bérénice Hamidi (Professeure en esthétique et politiques des arts vivants, Université Lyon 2)
Historique : Rappelle que la question de l’utilité des artistes est ancienne, liée à l’émergence des politiques culturelles publiques et à la tension entre mission artistique et mission sociale.
Crise actuelle : La légitimité du financement public de la culture est remise en cause, notamment en raison d’une séparation croissante entre création artistique et enjeux sociaux, et d’un manque de dialogue avec le public.
Droits culturels : Ces droits, bien que promus, restent en tension avec le modèle français traditionnel, centré sur la création et la diffusion d’œuvres plutôt que sur la participation citoyenne.
Pistes : Nécessité de repenser la formation des « sélectionneurs » (programmateurs, subventionneurs) et de rééquilibrer le rapport entre artistes et institutions.
3. Christophe Bertossi (Sociologue, spécialiste des discriminations et de la citoyenneté)
Lien démocratie/culture : Les artistes ne peuvent jouer leur rôle que dans une démocratie saine. Aujourd’hui, la crise démocratique (montée des populismes, restriction des libertés, polarisation) limite leur capacité à interpeller et à émanciper.
Enjeux : La culture est instrumentalisée pour servir des logiques identitaires ou économiques, au détriment de sa fonction critique et transformative.
Exemple : La laïcité, initialement principe d’émancipation, est devenue un outil d’exclusion, illustrant le glissement de l’universalisme vers l’uniformité.
Appel : Les artistes doivent s’allier à d’autres acteurs (chercheurs, militants, citoyens) pour défendre un projet commun d’émancipation et de pluralisme.
Débats et questions soulevées
1. La précarité des artistes
Problème : Les artistes passent plus de temps à chercher des financements qu’à créer, en raison de la multiplication des appels à projets et de la réduction des subventions pérennes.
Exemple : Une compagnie consacre 75% de son temps à la recherche de fonds, ce qui remet en cause la nature même de leur métier.
2. Le rapport aux institutions
Tension : Les « sélectionneurs » (institutions, programmateurs) imposent des cahiers des charges qui limitent la liberté artistique et renforcent une logique de servitude.
Question : Comment concilier autonomie artistique et exigences institutionnelles ? Faut-il refuser ces logiques ou les subvertir ?
3. La communication avec le public
Constat : Les artistes et les institutions peinent à expliquer leur rôle et leur utilité à la société, ce qui affaiblit le consentement à financer la culture.
Piste : Développer des stratégies de communication concertées, impliquant artistes, institutions et médias, pour rendre visible l’impact social et politique de la culture.
4. L’engagement des artistes
Débat : Les artistes doivent-ils être engagés politiquement ? Comment concilier création et militantisme sans tomber dans l’instrumentalisation ?
Exemple : Certains artistes refusent de se plier aux attentes des financeurs et privilégient des projets autonomes, même précaires.
5. La coopération et la mobilisation
Proposition : Créer des espaces de dialogue et d’action collective entre artistes, institutions et citoyens pour redéfinir les priorités culturelles.
Exemple : Des initiatives locales (comme en Savoie) montrent qu’un dialogue apaisé et constructif est possible, à condition de sortir des logiques de concurrence et de hiérarchie.
Perspectives et conclusions
Réinventer les modèles : Expérimenter de nouvelles formes de création, de diffusion et de financement, en s’appuyant sur des réseaux locaux et européens.
Alliances stratégiques : Travailler avec d’autres secteurs (éducation, recherche, militantisme) pour défendre un projet commun de société plus démocratique et inclusive.
Action concrète : Le Co.Co.S propose de poursuivre le débat en 2026 avec des ateliers pratiques, en impliquant davantage d’artistes et de citoyens.
Question ouverte : Les artistes de demain seront-ils différents ?
Réponse : Oui, car ils devront s’adapter à de nouveaux enjeux (climat, numérique, crises politiques) et repenser leur rapport au public et aux institutions. La transmission et le mentorat entre générations seront cruciaux pour perpétuer un art engagé et critique.
Pour aller plus loin : La conférence a souligné l’urgence de passer de la réflexion à l’action, en mobilisant artistes, institutions et citoyens pour défendre une culture vivante, critique et accessible à tous.